L'intelligence artificielle (IA) a fait son entrée au Palais fédéral suisse, influençant les débats lors de la récente session d'automne. Des chatbots ont exprimé des opinions sur divers sujets, notamment les acquisitions militaires, la réforme des retraites et les questions fiscales. Si les outils d'IA ont offert des perspectives variées, leur compréhension des dynamiques politiques complexes est apparue limitée. Cette situation met en lumière l'interaction croissante entre la technologie et la gouvernance, soulevant des questions sur le rôle de l'IA dans les futures discussions politiques.
Points clés
- Des chatbots IA ont participé aux débats parlementaires suisses lors de la session d'automne.
- Les chatbots ont donné leur avis sur les avions militaires, l'âge de la retraite et l'impôt sur le mariage.
- Les réponses de l'IA s'alignaient parfois sur des partis politiques spécifiques, mais les contredisaient aussi.
- La compréhension des nuances politiques et du compromis par la technologie reste un défi.
- L'élément humain d'empathie et de compréhension transpartisane reste essentiel en politique.
L'IA entre dans l'arène politique
L'intégration de l'intelligence artificielle dans les discussions politiques n'est plus un concept futuriste. Lors de la récente session d'automne du Parlement suisse, des chatbots IA ont activement participé à l'élaboration d'arguments et à la présentation de points de vue sur des questions nationales importantes. Cela marque une nouvelle phase dans la manière dont la technologie interagit avec les processus gouvernementaux.
Contrairement aux représentations cinématographiques de l'IA, son entrée dans la politique réelle est moins dramatique. Il s'agit d'un processus graduel, qui affecte la manière dont l'information est traitée et les arguments sont construits. La session du Palais fédéral suisse a fourni un test pratique pour cette relation en évolution.
Rôle de l'IA au Parlement
- Acquisitions militaires : Les chatbots ont débattu de l'acquisition des avions de chasse F-35.
- Réforme des retraites : L'IA a proposé des solutions pour financer la 13e rente AVS.
- Pénalité de mariage : L'IA a donné son avis sur la réforme fiscale pour les couples mariés.
Évolution des positions politiques de l'IA
Hannes Germann, membre du Conseil des États de l'UDC, a utilisé le chatbot Gemini de Google pour s'opposer à l'immobilisation des avions Tiger F-5, ce qui aurait un impact sur l'équipe acrobatique Patrouille Suisse. Gemini a fermement soutenu l'équipe de démonstration aérienne de l'armée suisse, faisant écho à des sentiments nationalistes.
Cependant, une autre IA, le chatbot Grok d'Elon Musk, a offert une perspective différente sur les acquisitions militaires. Interrogé sur l'acquisition d'avions de chasse F-35 américains, Grok a suggéré de réduire l'accord et d'évaluer des systèmes européens comme les avions Rafale et les drones. Cette approche, selon Grok, permettrait d'économiser des milliards, de renforcer la neutralité suisse et de mieux correspondre aux évaluations de menaces actuelles.
"Les États-Unis ne sont plus un partenaire fiable ; l'Europe est l'espace d'alliance naturel", a déclaré Grok, indiquant une nette orientation politique en matière de politique étrangère et de stratégie de défense.
Cela montre comment différents modèles d'IA peuvent adopter des positions politiques variées, se contredisant parfois. La position de Grok sur la question du F-35 s'alignait sur la ligne du Parti socialiste (PS). Pourtant, Grok a également suggéré qu'augmenter l'âge de la retraite est "probablement nécessaire", une position qui est en conflit avec la doctrine du parti socialiste. Cela met en évidence le manque d'alignement partisan cohérent de l'IA.
Contexte de la politique suisse
Le système politique suisse implique une démocratie directe, les citoyens votant souvent sur des initiatives. Cela peut conduire à des processus législatifs complexes et à un besoin de large consensus. Des questions clés comme la réforme des retraites et les lois fiscales deviennent fréquemment des sujets de référendums nationaux.
Réforme des retraites et solutions de l'IA
Le débat sur la 13e rente AVS, approuvée par vote populaire, s'est poursuivi pendant la session. Le PLR (Parti libéral-radical) a exprimé des inquiétudes quant à son financement uniquement par des impôts et des prélèvements. Regine Sauter, membre du Conseil national du PLR, a appelé à une discussion "impartiale" sur l'augmentation de l'âge de la retraite.
Le PS, en revanche, s'y est opposé, arguant que la 13e rente était utilisée pour pousser l'AVS vers un déficit financier, justifiant ainsi un âge de la retraite plus élevé. Ils estiment qu'il s'agit d'une tactique pour reprendre ce que le peuple a voté.
Les chatbots IA ont proposé leurs propres solutions à cette question complexe. Le chatbot Copilot de Microsoft a présenté une approche équilibrée pour un "ministre des retraites" :
"Cela nécessite un paquet de réformes équilibré qui prend en compte à la fois l'évolution démographique et la justice sociale."
Cette réponse vague, bien que politiquement sûre, offre peu d'orientation concrète. Le chatbot Gemini de Google, cependant, a adopté une position plus directe, s'alignant étroitement sur l'idéologie du PLR :
"Les problèmes de la Suisse peuvent être résolus en augmentant la productivité et l'innovation, en réduisant la bureaucratie et les réglementations, et en utilisant de nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle."
Cela démontre la capacité de l'IA à articuler des philosophies économiques spécifiques, bien que sa compréhension de la négociation parlementaire et du compromis politique reste limitée.
Le débat sur la pénalité de mariage
Un autre débat important a porté sur la "pénalité de mariage", un désavantage fiscal pour les couples mariés. L'initiative populaire du Centre, "Oui à des impôts fédéraux équitables aussi pour les couples mariés", vise à l'éliminer. Les critiques soutiennent que l'initiative favoriserait les couples mariés par rapport aux autres, perpétuant des structures dépassées.
Le PS et le PLR plaident pour une imposition individuelle, où chaque personne dépose sa déclaration de revenus quel que soit son état matrimonial. Le Tribunal fédéral a jugé le désavantage fiscal pour les couples mariés inconstitutionnel en 1984, mais il persiste.
Les prochains votes sur des propositions contradictoires, potentiellement pas le même jour d'élection, soulignent la complexité des processus législatifs suisses. Le moment et la méthode d'abolition de la pénalité de mariage restent incertains. Markus Ritter, membre du Centre, a tenté de briser l'alliance de gauche-libérale au Conseil national avec une anecdote, qui, bien qu'humoristique, n'a pas changé le résultat.
Grok, le chatbot IA, s'est également essayé à l'humour concernant les questions fiscales matrimoniales :
"Elle : 'Tu fais la déclaration d'impôts !' Lui : 'D'accord, je vais essayer !' Il s'emmêle avec les formulaires. Elle : 'C'est tout faux !' Lui : 'Eh bien, maintenant je suis en prison – au moins plus de déclarations d'impôts !'"
Cette tentative de blague, bien que montrant une certaine capacité créative, ne reflète pas une compréhension profonde des nuances juridiques et sociales du débat sur la pénalité de mariage.
Langue et relations avec l'UE
Le débat sur l'enseignement précoce du français a également provoqué des frictions. Le départ du podium du conseiller national UDC Thomas Matter, s'exprimant en français, a alimenté la dispute linguistique. Son canton d'origine, Zurich, envisage de supprimer le français précoce du programme scolaire, une décision à laquelle le Conseil fédéral s'oppose fermement. Gemini a traduit "Affaire à suivre" par "Case follows", indiquant la nature continue de cette question.
La relation entre la Suisse et l'Union européenne reste complexe. Deux initiatives populaires pourraient potentiellement remettre en question les traités existants avec l'UE. Prédire l'issue est difficile, comme l'a noté Gemini :
"L'avenir des relations entre la Suisse et l'UE dépendra fortement des résultats des prochains votes et des développements politiques au sein de l'UE et de la Suisse."
Cette déclaration, bien qu'exacte, est une observation générale plutôt qu'une prévision politique spécifique. Elle reflète les limites actuelles de l'IA en matière d'analyse géopolitique complexe.
L'initiative "Non à 10 millions de Suisses !"
L'initiative de l'UDC "Non à 10 millions de Suisses !", visant à limiter la croissance démographique, a commencé son parcours au Conseil national. Cette proposition génère constamment de fortes émotions et des débats houleux au parlement, notamment en ce qui concerne l'immigration et l'UE.
Le chatbot Copilot de Microsoft a offert une perspective sur l'immigration qui contraste fortement avec la position de l'UDC :
"L'immigration est bonne pour la Suisse si elle est gérée intelligemment et accompagnée. Elle renforce l'économie, sécurise l'État social et assure la diversité."
Cela met en évidence la divergence de vues entre les modèles d'IA et certaines factions politiques. La programmation de l'IA, probablement issue d'une perspective globale, ne s'aligne pas sur des récits politiques nationaux spécifiques.
L'élément humain irremplaçable
Malgré la participation de l'IA, la session parlementaire a également connu des moments qui ont souligné la valeur irremplaçable de la connexion humaine et de l'empathie. Le décès soudain du conseiller national UDC de longue date Alfred "Fredy" Heer a profondément affecté le parlement.
La présidente du Conseil national, Maja Riniker, a rendu un hommage émouvant à Heer, le décrivant comme quelqu'un qui aimait la vie et la vivait pleinement. Elle a loué sa franchise sans être blessante, et sa nature chaleureuse et joyeuse qui lui permettait de se connecter avec des personnes de toutes les tendances politiques.
"Fredy était quelqu'un qui aimait la vie et la vivait de toutes ses forces", a déclaré Riniker. "Il était direct mais sans blesser. Un collègue chaleureux et joyeux qui comprenait tout le monde sans œillères. Il nous manquera cruellement."
Ce moment de deuil et de respect partagés, transcendant les lignes partisanes, a démontré une capacité humaine que l'IA ne peut actuellement pas reproduire. L'empathie, la compréhension transpartisane et la capacité à se connecter à un niveau personnel restent des aspects fondamentaux de la politique humaine. Si l'IA peut traiter des données et offrir des opinions, elle manque de l'intelligence émotionnelle et du contact humain essentiels pour un véritable leadership et une cohésion sociétale.
La session d'automne a montré que si l'IA peut être un outil dans le discours politique, elle ne peut pas remplacer les interactions humaines complexes, les compromis et la compréhension émotionnelle qui définissent le travail parlementaire.




